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Northmen : le petit drakkar qui n'avait pas assez navigué

  • aronaar
  • 1 févr. 2016
  • 8 min de lecture

Un coup d’œil à l’affiche vous aura appris que cette production ne va pas être précisément très intellectuelle. Hélas pour Northmen, ce n’est pas non plus le film d’action tonitruant qu’il aspire à devenir !

Ce qu’il est, par contre, c’est un film de série B avec de faux airs Hollywoodiens, qui saura vous apporter la joie commune aux visionnages de films réalisés d’une manière plus ou moins catastrophique.

Mais commençons par planter le décor. Northmen narre donc la non-histoire d’un groupe de fiers vikings bannis par leur roi, et qui veulent racheter leur liberté en effectuant quelques menues rapines en visant des monastères, guidés en cela par Asbjorn, bellâtre moins barbu que ses collègues.

Comme ce programme n’aurait pas été présentable tel quel, une grosse complication se présente sous la forme d’une tempête. Et dès les deux premières minutes, les faux airs Hollywoodiens se font sentir : monologue en voix off solennel, assorti d’un ralentissement de l’action exagéré.

Asbjorn passe de si longues secondes à regarder, l’air consterné et les yeux globuleux, une grande vague se diriger sur leur frêle esquif qu’on l’imagine presque penser : « J’espère qu’Olaf a emmené des serviettes en peau d’ours, ça va dracher sévère ! »

Bref, bien loin des monastères bretons qu’ils voulaient piller, voilà notre bande de bras cassés échoués en Ecosse.

Et c’est là que se présente la première série d’évènements fort commodes pour faire avancer le semblant d’histoire, car les pauvres garçons sont bien incapables de se débrouiller par eux-

mêmes. En grimpant une falaise, voilà-t-y pas qu’ils se retrouvent face à une horde de cavaliers écossais passablement grognons, escortant un mini-carrosse. Dans la logique des choses, ils auraient dû se trouver sur la route à protéger justement leur VIP, mais, pour faciliter la suite, ils attendaient apparemment que des inconnus grimpent à ce point précis pour faire un peu d’exercice.

Pas de problèmes : nos Vikings, majoritairement désarmés, utilisent des pierres pour désarçonner les vilains écossais et effectuer du self-service sur les armes ainsi disponibles. Au cours d’une bataille où l’on peut admirer Sniperson, capable d’utiliser un arc encore plus vite que Legolas, les hommes du Nord massacrent donc les soldats, sauf un qui réussit à courir assez vite pour empoigner un cheval et narrer la mauvaise nouvelle.

" Merci de m'avoir libéré de ce fiiiiilm..."

Las, nos fiers Vikings, intrépides guerriers et athlètes confirmés, laissent donc partir celui qui va donner l’alerte générale. Sniperson aurait largement le temps de l’abattre d’une flèche dans le dos, mais Northmen espère que ses scènes d’actions attirent tellement votre attention que vous allez mettre en veille votre sens de la logique. Hélas, même la poudre aux yeux n’est pas suffisante pour ça !

Les guerriers honorent leurs morts, dont on n’aura pas retenu le nom, et découvrent la VIP : une noble dame farouche. De là germe un plan génial dans la tête du chef : la rançonner, pour pouvoir regagner la localité viking la plus proche.

Bien sûr, les choses ne seront pas aussi simples : le roi Dunchaig, informé par le messager rescapé que sa fille est faite prisonnière par d’impudents nordiques, envoie la Bande des Loups, groupe de mercenaire le plus cruel qui soit (et le plus idiot comme on le verra après) dans la contrée.

Avec comme douce instruction de faire en sorte que, si on ne peut la sauver, autant la tuer, parce qu’un roi qui se fait enlever sa fille par des Vikings, ça fait moyen pour la réputation.

Et voilà ce à quoi aspire Northmen : une traque haletante, mouvementée, entre les chasseurs et la proie, puis la proie devenant chasseurs.

Malheureusement, le résultat final est une petite série de chassé-croisé poussive, échouant pour trois raisons principales : une faiblesse à intéresser le spectateur à l’enjeu du film (à cause de personnages unidimensionnels débitant des clichés), des scènes d’action ni spectaculaires, ni novatrices ; et l’incohérence ambiante déclenchant de l’incrédulité.

Afin d’éviter de vous torturer, je ne vais pas commenter par le menu tout le film, mais tout de même reprendre quelques éléments savoureux.

" Trop lent, petit sarabée ! "

Conall. A un moment, Biduleson, blessé dans la première bataille, a besoin d’un guérisseur. Et par un merveilleux hasard, en se promenant dans un sous-bois, le groupe trouve ledit Conall au bord d’un étang ! Mais Conall est bi-classé moine shaolin, et se montrera donc super badass avec son bâton pointu, perçant les cottes de mailles comme du beurre et rétamant ses ennemis sans coup férir, dans de purs moments de série B.

Bien que les Vikings ne soient pas encore christianisés, ils lui feront confiance et auront raison, car sans lui, ils n’arriveraient à RIEN. C’est Conall qui les mène à sa tour pour un repos et repas gratuits, n’arrivant hélas pas à soigner Biduleson qui aura droit à son bûcher funéraire un peu plus tard.

Lorsque les Loups retrouvent leur trace, le moine avait déjà tout prévu : laissant tomber sa torche, il déclenche un cercle de flammes !

Cela n’empêche pas les Loups d’envoyer une sorte de cocktail molotov sur le toit de la tour, l’amenant à sa destruction rapide. Apparemment les mercenaires ne veulent pas s’embêter et cherchent tout de suite à tuer la fille de leur commanditaire !

Mais heureusement, Conall avait encore une fois calculé le coup : un passage secret les conduit dans une grotte souterraine, et voilà les Loups fort dépités.

Les vikings, eux, ne sont pas plus avancés et même un brun moroses en se rendant compte que leur monnaie d’échange vient d’être sévèrement dévaluée…

Mais Conall a encore la solution : de vieux dessins sur les murs représentant une grotte avec des bateaux, et un plan nébuleux pour y accéder, par un ancien chemin, le chemin du Serpent.

Fameuse saga où on offre sur un plateau la solution aux guerriers !

" Ces Vikings sont forts... Ils ont grimpé, et pas nous ! "

Avance rapide jusqu’à la prochaine confrontation. En préambule, sachez quand même que si les Loups repèrent distinctement les fuyards, ils ne vont pas de suite au galop pour leur couper la route, leur laissant le temps d’atteindre la cascade, dont les nordiques grimpent la falaise !

Mais, danger, Absjorn et la princesse restent en bas, à la merci des Loups, oubliant complètement que les autres sont maintenant au-dessus d’eux.

Et ce qui devait advenir se produisit : au moment critique où le seul archer des Loups (car ils sont très organisés) allait tuer nos zéros, c’est Sniperson qui l’abat in extremis ! Couverts de flèches et de rochers, les Loups se réfugient piteusement hors de portée.

Et là se produit une séquence magique. Contrecarrés par la seule présence de Sniperson, les Loups vont donc patienter plusieurs heures sans rien faire, laissant pleinement le temps à leurs cibles de se préparer.

Et dans le même temps, les Vikings auraient pu installer un pseudo-mannequin pour remplacer Sniperson et prendre une avance considérable…

Car de toute manière, l’un des Loups finit par grimper incognito et trancher la gorge de Machinson, qui avait remplacé Sniperson pour faire le guet. Une tactique qui aurait pu être employée dès le début !

S’ensuit une scène de poursuite drôlatique malgré elle, car si le leader des Loups déjoue le premier piège et indique de bien ouvrir l’œil quant aux prochains, quelques secondes plus tard, deux malheureux se font respectivement transpercer la cervelle et concasser par un tronc d’arbre, du grand art.

" Quoi ? Le filme dure encore VINGT minutes ? "

Et puis après, vous l’avez deviné, autre bataille, autres perles de stratégie : Absjorn envoie la damoiselle emprunter le vieux pont en mauvais état (ça manquait de clichés), ce qui, encore, est assez logique, et avec le moine shao-lin, ce qui se comprend. Mais il envoie aussi Sniperson, alors que les Loups les encerclent à cinq contre un !

Autre élément fumeux d’ailleurs, c’est le nombre de ces piteux mercenaires, qui semblent avoir eu des renforcements instantanés pour rendre cette escarmouche plus « épique ».

Rien de spécial encore, ça tranche, ça taille, et vous vous demandez pourquoi vous n’êtes pas en train de revisionner la première saison de Game of Thrones à la place. Les survivants nordiques passent le pont, coupent les amarres, laissant une nouvelle fois les Loups bien penauds.

Ce qui n’empêche évidemment pas une dernière confrontation avec les mercenaires plus maladroits que cruels, où on fait le grand ménage, avec les scènes habituelles de « je te soutiens jusqu’au dernier souffle ». On rira seulement quand Absjorn et le leader des Loups se retrouvent dans une fondrière commodément placée là et en finissent mano a mano.

Le Viking lui plante un éclat d’épée profondément dans le crâne, mais le chef mercenaire, mauvais joueur, essaye de l’entraîner dans les profondeurs boueuses. Même en état d’hypotension, la suite est plus que prévisible : la princesse sauve le bellâtre juste avant qu’il ne s’étouffe…

Et le chef des loups, malgré le morceau d’épée dans la tête et vingt secondes d’asphyxie, se relève une dernière fois ! Uniquement pour être empalé par le bâton pointu du moine, histoire de.

Une scène aussi brillante que le come back du chef Orc dans The Hobbit, troisième partie.

Voilà, la chasse est terminée, sans que les Vikings n’aient renversé le rapport proie/chasseur !

" Bon, finissons-en et sautons allez chercher notre cachet... "

Nos rescapés, finissant de traverser le chemin… Enfin, ils ont couru à travers des plaines depuis le début, donc ce détail n’est plus très clair… Se trouvent face à une falaise, surplombant les grottes de la légende dépeinte dans celle sous la tour détruite du moine (vous suivez ?).

Et là, patatras, Dunchaig et son armée arrivent à ce moment-là.

Apparemment il a décidé que son honneur serait terni en envoyant juste des mercenaires récupérer sa fille, et que prendre toute l’armée avec lui pour piéger moins de dix nordiques, ce serait plus discret.

Arrivé là, on ne se demandera même pas comment il a fait pour les retrouver au moment critique, c’est juste pour éviter que la fin soit encore plus plate que le reste du film et induire un commode instrument de pression. Vu que le film déborde de mauvaise écriture avec d’autres moments taillés selon les besoins de l’histoire, on ne sera pas tellement étonné.

Nos zigotos sautent donc, rejoignant Absjorn qui avait sauté en premier et ramené de la grotte… Une barque !

On souhaite donc bonne chance à nos fins aventuriers, fuyant l’écosse dans une embarcation sans voiles, sans provisions, sans matériel de pêche, sans carte maritime. Et espérons-le, non pas vers une suite !

Pour conclure, j’aimerai revenir sur le sous-titre du film : « a Viking saga ». De la publicité mensongère si jamais il m’en est passé devant les yeux.

Une saga se construit sur plusieurs sphères narratives – livres, poèmes, chants, films, BD, jeux, que je sais-je encore – avec un souffle épique, et doit avoir à cœur de dépeindre la geste d’une personnage qui soit digne de mémoire.

Or, à part être moins barbu et plus sympa que ses collègues pour flirter avec la princesse, Absjorn ne démontre aucune qualité remplissant critère. Même pas particulièrement au combat, où Sniperson, le vieux viking à la hache et Conall le moine au bâton shao-lin lui volent la vedette.

Le charisme est absent chez les protagonistes comme les antagonistes, la traque n’a pas de suspens. Difficile aussi d’y attacher de l’importance tellement le tout respire l’artificiel…

Si vous tenez réellement à voir un film avec des Viking beuglants, autant regarder Walhalla Rising ou, dans un autre format, lire le manga Vinland Saga- lequel n’usurpe pas son titre et se présente comme une fiction historique de qualité, bien dessinée qui plus est. Et dans un autre registre, vous aurez meilleur jeu de visionner l’excellente série Vikings, qui en contient des spécimens en donnant une version autrement plus authentique.

Nageant dans sa propre déconfiture, Northmen n’est intéressant que pour se vider l’esprit le temps de quelques froncements de sourcils et rires incertains...


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2020 par Aronaar. Le site, pas les années en elles-mêmes, notez bien.

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