La trilogie Ravnica, un pari réussi
- aronaar
- 16 avr. 2016
- 4 min de lecture

Imaginez un monde dont la majorité de la surface habitable est recouverte par une immense cité tentaculaire composée de nombreux districts, ne laissant que quelques espaces sauvages dédaignées par la plus grande partie de la population.
Imaginez ensuite que depuis bientôt dix millénaires, une paix (relative) existe sur ce monde, grâce à un contrat magique d'une puissance formidable : le Pacte des Guildes.
Ces dernières, au nombre de dix, servent autant à "classer" la population selon des obédiences différentes, que d'entités ayant chacune un rôle précis à jouer dans le bon fonctionnement de la société ravnicane. Les Simic sont des chercheurs et des médecins doués dans l'art de produire des remèdes et des modifications des êtres vivants (quitte à créer des espèces nouvelles !), la Ligue Boros assure le maintien de l'ordre et le respect des lois, les Golgari, retranchés dans la Citerraine, cultivent des champignons en masse pour nourrir la population de la surface, etc.
Tout autant que le Pacte, c'est cette répartition des rôles et l'interdépendance qui en découlent qui ont permis de sauvegarder la paix. Bien entendu, chaque guilde a des croyances qui ne sont pas compatibles avec toutes les autres, les inimitiés sont nombreuses, le meurtre n'est pas forcément illégal, les complots abondent, mais dans l'ensemble, Ravnica n'a connu aucune crise faisant trembler ses fondations.
Ce qui pourrait bien changer lorsque Kos, un Wojek (subdivision de la Ligue Boros, comprenant les enquêteurs et policiers) de plus d'un siècle mais toujours en forme, voit son enquête mener vers une entité qui pourrait faire en sorte que les festivités du Décamillénaire marquent en effet l'avènement d'une nouvelle ère, mais qui serait loin de profiter à tout le monde...
Je ne vais pas vous mentir, chaque tome de cette trilogie repose sur un cadre similaire où une Guilde souhaite prendre l'ascendant sur toutes les autres, et Kos intervient, avec un mélange d'alliés improbables et de chance, à empêcher le pire in extremis. Cela se laisse découvrir dans le premier tome, est affiché clairement dans le deuxième, et se laisse deviner aisément dans le dernier.
Non pas que cela soit forcément une mauvaise chose ! Il y a tout de même des retournements de situation, et le plus important reste l'atmosphère, qui est très bien rendue ici.
On sent réellement toute la diversité amenée par les Guildes et les multiples races occupant Ravnica, les relations cordiales en apparence cachant des haines brûlantes et l'avidité d'apporter plus de pouvoir à sa propre guilde, chacune ayant une personnalité bien marquée, en correspondance avec les deux couleurs de mana lui étant liées.
Il faut en effet savoir que la trilogie Ravnica reprend le background posé par le set d'extensions éponyme du plus célèbre des jeux de carte à jouer et à collectionner, Magic the Gathering . Sans nullement en ébaucher les règles, sachez que le jeu repose sur cinq types de mana colorés : rouge (passion, émotions, rapidité, pyromancie...), bleu (intellect, connaissance, logique, altération de la réalité...), vert (nature, croissance, vie, maîtrise des éléments...), blanc (loi, synergie, soins...) et noir (amoralité, recherche de puissance, magie de mort et nécromancie...) ce qui donne dix combinaisons possibles de deux manas, pour les dix Guildes de Ravnica.
On ne s'étonnera donc pas que les Rakdos (rouget et noir) soient adeptes de souffrance, de sacrifice, et, de façon générale, d'apporter chaos et destructions un peu partout !
Une autre force de Herndon, en plus de rendre vivante la cité-monde de Ravnica, est son sens du rythme. Avec des intrigues menant vers une pris de contrôle de Ravnica, on pourrait s'attendre à de longs développements, mais l'auteur parvient à mettre en place ses histoires sans dépasser de beaucoup à chaque fois les 300 pages, grâce à un style fluide (bourré d'humour également) et des événements s'enchaînant sans temps mort, avec une dose suffisante d'action.
Tout cela même en adoptant une pluralité de points de vue. Même si Kos, vétéran Wojek attachant, joue un rôle central dans le premier livre et continue d'avoir un rôle important dans les deux autres, le focus narratif se fait à travers plusieurs personnages à chaque fois, ce qui est rafraîchissant sans non plus nous plonger dans la confusion- ou nous amener à des passages faisant remplissage, ou encore sans grand lien avec le reste de l'intrigue. Comme fautif dans le genre, je pense notamment à la trilogie La crise de la flotte noire, se passant dans l'univers étendue de Star Wars. On y retrouve à un moment Lando Calrissian à bord d'un vaisseau alien, et on y revient plusieurs fois, alors même que cela ne fait pas avancer l'histoire d'un pouce ou que l'on apprenne des choses réellement intéressantes.
" Pari réussi", ai-je écrit, car, ami Lecteur, vous n'êtes probablement pas sans savoir tous les dangers que peut représenter l'adaptation. On ne compte plus les films médiocres, les romans savonneux, le jeux vidéos en mousse, et que sais-je encore, dont le principal argument de vente est la licence dans laquelle ils évoluent. Depuis plus de vingt ans et au cours de nombreuses extensions, en plus d'un jeu de cartes brillant, Magic raconte également de grandes histoires avec des univers riches, univers qui, hélas, n'ont pas réellement profité des novélisations. Imaginez un instant les livres World of Warcraft qui pullulent pour comparaison...
C'est donc réellement une bonne surprise que cette dynamique trilogie Ravnica, plaisante à souhait. Si vous êtes amateur de fantasy bien construite mais sachant plaisanter, même si vous ne connaissez rien à Magic, vous devriez passer de bons moments de lecture.
Comments